Numéro |
Le Nouveau Praticien Vét équine
Volume 17-18, Numéro 61-62, 2023-2024
Affections podales
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Page(s) | 26 - 33 | |
Section | Dossier : Affections de l’appareil locomoteur – 2e partie | |
DOI | https://doi.org/10.1051/npvequi/2024024 | |
Publié en ligne | 6 novembre 2024 |
Intérêt de l’examen du cheval monté et de l’analyse du geste sportif
The Role of Ridden Assessment in Lameness Examination and Performance Evaluation of Sport Horses
1
Pôle Équin VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy-L’Étoile
2
PHB CONSULTING LLC Pomponio Farm CA 92067 Rancho Santa Fe
L’observation de la locomotion sous la selle et des anomalies du geste sportif représente un atout indispensable pour compléter l’examen locomoteur conventionnel du cheval de sport.
L’observation du cheval monté et l’analyse du geste sportif donnent souvent des informations pertinentes complémentaires à l’examen locomoteur conventionnel en main. Celui-ci est toujours réalisé avant, afin d’exclure toute lésion qui pourrait s’aggraver lorsque le cheval est monté. La demande d’analyse du geste sportif est fréquente chez les cavaliers de haut niveau, mais elle a également un intérêt chez les chevaux de sport de niveau inférieur, car plusieurs études ont démontré qu’un pourcentage non négligeable de douleurs musculosquelettiques ne sont visibles que lorsque le cheval est monté. Lors du travail sur le plat et en dressage, les gênes peuvent devenir visibles lors du travail sur 2 ou 3 pistes, dans les transitions, sur les courbes serrées, lors du rassembler ou dans les changements de direction. À l’obstacle, les anomalies du geste peuvent apparaître lors de la foulée de battue, du planer et de la réception, ou en parcours lors de combinaisons et de tournants. L’effet des anesthésies diagnostiques distales sur le geste sportif peut être évalué, mais seulement après un bilan d’imagerie préalable. Enfin, des grilles d’expression de douleur chez le cheval monté ont été élaborées par des chercheurs ; elles aident à différencier les signes de douleur des problèmes comportementaux ou induits par le cavalier.
Abstract
The exam of the ridden horse and the analysis of its movement patterns will often give important supplemental information over the conventional in-hand lameness examination. The classic in-hand examination is always carried out before a ridden exam, in order to exclude any pathology which could be aggravated dramatically when the horse is ridden. High level professional riders often seek the opinion of veterinarians on the horse’s movement patterns when ridden; however, it is also interesting to look at the ridden horse under lower level or amateur riders, because several studies have shown that a fair amount of musculoskeletal pain issues only appear when the horse is ridden. During flatwork or dressage, pain-related signs can be evaluated during lateral work, transitions, tight turns, during increased collection or changes of direction. When jumping, pain-related signs can be observed up during approach, take-off, in the air, landing and getaway, or during combinations and turns when on jumping course. The effect of distal diagnostic anaesthesia on these pain-related signs can be evaluated in the ridden horse, but only if the radiographic status is known. An ethogram for pain scoring system in the ridden horse has been developed in order to help differentiate pain-related signs from behavioural or rider induced issues.
Mots clés : examen locomoteur / cheval de sport / boiterie / douleur / geste sportif / CSO
Key words: orthopaedic exam / sport horse / lameness / pain / motion analysis / show jumping
Crédit Formation Continue : 0,05 CFC par article

Monika Gangl

Philippe Benoit
© EDP Sciences, 2024
Objectifs pédagogiques
Savoir quand proposer un examen monté en plus de l’examen locomoteur.
Connaître les signes observables chez le cheval monté qui peuvent être dus à une douleur musculosquelettique.
Connaître les anomalies du geste sportif observables lors du saut.
Essentiels
Un examen locomoteur conventionnel en main est toujours réalisé avant une observation montée.
Un nombre non négligeable de boiteries est uniquement visible lorsque le cheval est monté.
Le geste sportif, que ce soit en dressage ou à l’obstacle, peut être altéré en raison de douleurs musculosquelettiques.
Le cheval d’obstacle peut être observé à l’entraînement ou en compétition, à la détente et en parcours, et les sollicitations sont d’intensité et de nature différentes.
Face à une certaine frustration de l’examen conventionnel, le vétérinaire équin, à la demande de ses clients cavaliers de haut niveau, s’intéresse de plus en plus à la compréhension des anomalies du geste sportif. Selon le cavalier averti, des désobéissances du cheval peuvent être associées à des signes de douleur ou d’inconfort, qui n’apparaissent que lors de la sollicitation intense du cheval dans sa discipline, alors que l’examen clinique de base du praticien ne révèle que peu d’anomalies. Le client cavalier appréciera davantage que le vétérinaire puisse analyser les faits et gestes du cheval en situation, afin d’obtenir des renseignements sur la locomotion et ses anomalies lors de périodes d’entraînement ou de compétition.
En outre, dans une étude menée sur 57 chevaux de sport au travail régulier, près de la moitié d’entre eux présentait une boiterie sous la selle et, pour 7 de ces chevaux, la boiterie n’était visible que lorsqu’ils étaient montés. Les auteurs ont fait le même constat sur une population encore plus importante : sur 506 chevaux de sport considérés comme non boiteux par leur cavalier, près de 40 % étaient boiteux lorsqu’ils étaient examinés par un praticien expérimenté. Là encore, une partie de ces boiteries ne sont devenues visibles que lorsque le cheval était monté [1, 2]. Il découle de ces études qu’une observation du cheval monté est également intéressante en dehors du contexte du haut niveau, et mérite d’être proposée au cavalier amateur.
Cependant, avant d’entreprendre une observation en situation montée, un examen conventionnel de l’appareil locomoteur, à la fois statique et dynamique, doit être réalisé. Il est indispensable de pratiquer cette première partie de l’examen dynamique en main, avant de passer à un examen monté. En effet, si on constate une boiterie modérée à sévère et permanente, l’examen monté n’apportera pas plus d’information et peut même s’avérer dangereux tant pour le cavalier que pour le cheval. Par exemple, une fracture incomplète et non-déplacée peut se transformer en fracture complète et déplacée avec des conséquences désastreuses pour l’animal, le propriétaire et la responsabilité professionnelle du praticien.
Pourquoi certaines boiteries ne sont-elles visibles que lorsque le cheval est monté ?
Que se passe-t-il lorsque l’on ajoute le poids d’un cavalier et d’une selle ? En ce qui concerne le rachis, l’extension thoraco-lombo-sacrale sera augmentée, mais la flexion, en revanche, sera diminuée. La mobilité globale de la colonne sera réduite, le rachis se rigidifiant avec l’ajout du poids en région thoracique [3, 4]. La force qui agit sur les membres lorsqu’ils rentrent en appui au sol (Ground reaction force) est augmentée tant sur les membres antérieurs que postérieurs [5]. C’est ce qui explique probablement le fait qu’une boiterie postérieure subtile devienne plus marquée au trot enlevé lorsque le cavalier s’assoit sur la diagonale du membre atteint. Il n’est pas rare que le cavalier perçoive cette diagonale comme moins confortable, et certains chevaux font même un petit mouvement de saut pour faire changer le cavalier de diagonale pour celle du membre non boiteux [6].
Certaines douleurs musculosquelettiques, et par conséquent des boiteries, ne se manifestent que lorsque le cheval est monté, puisque le cavalier peut demander des mouvements spécifiques comme le travail sur 2 ou 3 pistes (Photos 1 et 2), des transitions d’une allure à l’autre, et des cercles très serrés avec des changements de direction. Une fois échauffé, le cheval peut être davantage sollicité par son cavalier, et des exercices de mobilisation plus avancée du rachis, comme le rassembler, peuvent aussi déclencher des inconforts que le praticien pourra évaluer (Photo 3). Lors de l’examen d’un cheval de course, ce n’est que monté (ou attelé à un sulky) qu’il sera possible de reproduire son déplacement en vitesse de course.
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Photo 1 Déplacement latéral (appuyer vers la droite) d’un cheval de niveau grand prix. Le membre postérieur controlatéral au déplacement, le postérieur gauche dans ce cas, doit venir sous la masse dans un mouvement d’adduction, qui peut faire apparaître des signes de douleur et rendre le mouvement difficile pour le cheval. (© Monika Gangl) |
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Photo 2 Déplacement latéral (cession à la jambe gauche) d’un cheval de niveau amateur : le mouvement en adduction du membre postérieur gauche est moindre que chez le cheval de haut niveau, néanmoins la contrainte supplémentaire par rapport au mouvement en ligne droite peut faire apparaître des signes de douleur musculosquelettique. (© Pauline Chauray) |
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Photo 3 Lorsque le cavalier demande plus de rassemblement, la charge sur les membres postérieurs est accrue, ce qui se traduit par une descente de boulet plus marquée (flèche bleue), même pour un cheval amateur. Par conséquent, toute pathologie du membre postérieur ou sacro-iliaque peut amener le cheval à refuser de se rassembler. (© Pauline Chauray) |
Concernant le saut, que ce soit en CSO, concours complet, Hunter ou steeplechase, il est important d’observer l’animal sauter lors de l’examen. Certaines douleurs musculosquelettiques n’apparaissent que lors d’une phase spécifique du saut et, par conséquent, le cheval modifiera son geste à l’obstacle afin de limiter la douleur (cf. plus loin).
Réalisation pratique de l’examen du cheval monté
Tout d’abord, il faut s’assurer de la disponibilité d’une carrière ou manège assez large doté d’un sol de qualité. Si le cheval saute, il faut évidemment avoir des obstacles à disposition. Le cheval sera monté en un premier temps par son cavalier habituel, avec la selle, le filet et les éventuels amortisseurs et enrênements qui sont utilisés pour ce cheval. L’observation du comportement du cheval lorsqu’il est sellé et au montoir peut déjà donner des informations importantes. Ensuite, on demandera au cavalier de reproduire l’ensemble des allures et exercices jusqu’au niveau auquel le cheval performe en compétition. La séance d’examen doit suivre l’organisation de la séance d’entraînement quotidienne, en y incluant la phase d’échauffement.
Si le cavalier est amateur et de faible niveau, il peut être intéressant, dans la mesure du possible, que le cheval soit monté, en un deuxième temps, par un cavalier professionnel et/ou très expérimenté. En effet, ce dernier pourra éventuellement ressentir des anomalies d’allure non visibles pour le clinicien à pied. Voir le cheval monté par un autre cavalier permet aussi de faire la part entre des irrégularités ou des signes (Encadré 1) induits par un cavalier moins expérimenté et ceux dont la source est une douleur musculosquelettique. En revanche, un cavalier expérimenté peut aussi masquer une irrégularité d’allure, car, de par ses aides, il peut inciter le cheval à rester plus en équilibre [6].
Encadré 1 Signes observables chez le cheval monté sur le plat qui peuvent être une manifestation de douleur musculosquelettique [7]
Au trot :
refuse d’avancer ;
appuie sur une seule rêne ;
difficultés à tourner ;
ne franchit pas son mors ;
manque de stabilité de contact ;
perte de rythme ;
défaut de trajectoire des postérieurs sur le petit cercle ;
se cabre, se précipite.
Au galop :
ne prend pas le galop à la bonne main ;
se désunit devant ou derrière (Photo 4) ;
galop à 4 temps ;
l’arrière-main vient vers l’intérieur de la piste ;
les membres postérieurs trainent (pas d’engagement/propulsion) ;
galop raide (cheval de bascule) ;
manque de dissociation des postérieurs ;
encolure raide ou penchée ;
manque de protraction des antérieurs, le cheval semble « collé au sol » ;
refuse le changement de pied en l’air.
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Photo 4 Cheval qui se désunit au galop : ceci peut être dû à un manque de dressage ou une faute de cavalier, mais cela peut aussi être un signe d’une douleur musculosquelettique, le cheval essaie de décharger un membre antérieur ou postérieur par cette manœuvre. (© Pauline Chauray) |
En complément, et notamment pour les chevaux de haut niveau de CSO, le praticien peut observer le cheval lors d’une compétition, à la fois à la détente, mais aussi pendant l’épreuve. En compétition ou en situation de parcours, le cavalier sollicite davantage le cheval. Celui-ci augmente sa vitesse parce qu’il existe un temps limite à respecter. Le tonus de sa musculature dorsale s’en trouve augmenté.
Le cavalier se fixe une trajectoire et des contrats de foulée entre chaque obstacle, en fonction de la qualité, de la taille et de la technique de son cheval. La ligne du squelette axial apparaît avec des sollicitations différentes et des amplitudes de rassemblé (flexion) ou d’allongement (extension) plus nettes.
Quelles sont les affections musculosquelettiques observables ?
Lors du travail sur le plat et du dressage de base
Le cheval monté peut parfois montrer une boiterie nette qui n’était pas ou peu visible en main, mais des douleurs musculosquelettiques localisées dans un ou plusieurs membres peuvent aussi se traduire par une multitude d’autres signes (voir Encadré 1). Lorsque le praticien se limite à un examen en main, il est possible qu’il constate des boiteries légères, mais qui ne sont pas représentatives des gênes rencontrées lorsque le cheval est monté. Prenons, par exemple, le cas d’un praticien consulté pour un cheval de dressage de 15 ans présentant un défaut d’engagement et une réaction de défense lors de l’exécution d’un appuyer vers la gauche. S’il observe une légère boiterie antérieure bilatérale sur le cercle à main correspondante sur terrain dur, il est très peu probable que cette dernière soit responsable du problème locomoteur décrit par le cavalier ; elle représentera plutôt une observation secondaire sur un cheval en fin de carrière avec les lésions d’usures inhérentes.
Les dorsalgies, quant à elles, sont généralement bien plus prononcées également lorsque le cheval est monté en raison de l’ajout de poids. Lors de douleurs sacro-iliaques, c’est notamment un défaut de propulsion qui est le signe le plus marqué. D’autres signes de dorsalgie peuvent être un mauvais galop, une raideur, des difficultés pour garder un bon contact avec la main, et ils sont souvent plus facilement reconnus par le cavalier que par l’observateur au sol [8-10]. Les douleurs cervicales se manifestent plus clairement lorsque le cavalier demande au cheval de se rassembler [11].
Lors du dressage avancé
Plus le niveau de dressage est élevé, plus cela demande de rassemblement et de report de poids sur les postérieurs. Ainsi, certaines boiteries de bas grade ne se manifestent que lorsque le cavalier demande une pirouette au galop vers le côté du membre boiteux. Le cheval n’arrive alors plus à maintenir un galop de 3 temps. Le cheval peut également trouver le changement de pied en l’air difficile vers le galop du côté du membre atteint. Les appuyers, quant à eux, sont plus difficiles vers le côté opposé du membre atteint : par exemple, un cheval avec une douleur du postérieur gauche trouvera l’appuyer vers la droite difficile (cf. Photo 1).
En face d’une atteinte bilatérale des deux postérieurs, par exemple une arthropathie dégénérative des articulations intertarsiennes distales et tarsométatarsiennes (« éparvin »), le motif de consultation sera plutôt un engagement réduit des postérieurs et une impossibilité de se rassembler, qui pourront notamment se manifester comme une irrégularité de rythme lors du piaffer et du passage (Photo 5).
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Photo 5 Cheval de niveau grand prix exécutant un piaffer : le haut degré de rassembler nécessaire pour cette figure ajoute une forte charge sur les postérieurs engagés sous la masse. Lors d’atteinte bilatérale des postérieurs, mais aussi en cas d’affection sacro-iliaque ou de dorsalgie, le cheval montre souvent des irrégularités de rythme dans cette figure. (© Monika Gangl) |
Des signes similaires peuvent également apparaître en cas de dorsalgie et de douleurs sacro-iliaques, ou lors de desmite bilatérale de l’insertion proximale du suspenseur. Plusieurs de ces affections coexistent régulièrement [12].
À l’obstacle
Il est possible de dissocier le travail à l’entraînement et en compétition.
À l’entraînement, le cheval est souvent à domicile, plus relâché et moins stressé. C’est le meilleur moyen d’observer des défauts d’attitude sur l’obstacle, souvent de taille moins significative.
En compétition, avec le stress et une charge d’adrénaline différente, le cheval peut ne pas manifester de signes cliniques toujours aussi marqués, surtout lors des premiers parcours de la semaine de concours.
La première partie de l’examen lors de la détente s’effectue sur un obstacle isolé et consiste à observer les différentes phases du saut : les deux dernières foulées, la battue de départ, l’appel sur les postérieurs, le planer, la réception, la foulée de réception. Pour l’ensemble de ces gestes, il faut tout d’abord attacher beaucoup d’importance aux principales zones de mobilité de la colonne vertébrale ou des membres lors d’un saut vu de profil ou de face. Les régions principales à suivre, selon les phases du saut, avec les associations lésionnelles possibles, sont répertoriées dans les Tableaux 1 et 2 [13-15].
Principales anomalies du geste à l’obstacle (vue latérale).
Principales anomalies du geste à l’obstacle (vue frontale).
Lors de la deuxième partie, en situation de parcours, il faut guetter le cheval dans des situations particulières afin de suivre des écarts de mobilité, comme dans les courbes serrées ou les combinaisons d’obstacles dont la distance ou la difficulté technique sont connues. L’observation se fait de côté, afin de voir la mobilité longitudinale du cheval (Photos 6 et 7). Elle peut se faire de face pour suivre le choix du cheval dans sa réception sur ses antérieurs et observer les éventuelles déviations, le plus souvent latérales (gauche ou droite), par rapport à l’obstacle (Photo 8).
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Photo 6 Descente suite au planer et réception : sollicitation de la jonction thoraco-lombaire lors de la descente. À noter la forte charge de l’antérieur sur lequel le cheval se réceptionne. Une douleur dans le membre antérieur distal (pied/boulet/suspenseur) peut se traduire par une réception préférentielle sur l’autre antérieur (à observer de face). (© Philippe Benoît) |
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Photo 7 Phase de planer vue de profil : dégagement des postérieurs, sollicitation de la jonction lombo-sacrée et des articulations sacro-iliaques. (© Philippe Benoît) |
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Photo 8 Planer vu face : rotation du rachis autour d’un axe, une anomalie du geste qui est, le plus souvent, consécutive à une thoraco-lombalgie ou à une propulsion asymétrique d’un postérieur. (© Philippe Benoît) |
Les demandes de consultation les plus fréquentes sont :
Arrêt/refus sans explication apparente : le cheval qui refuse en piste ou à l’entrainement sur des obstacles qu’il saute normalement, présente souvent une douleur aiguë à la propulsion (lombalgie, sacralgie aiguë) ou une douleur podale distale à la réception.
Changement de pied dans les courbes : ce défaut correspond essentiellement à une stabilité de la propulsion et du membre engagé sous la masse du cheval. Le signe clinique est un cheval désuni ou s’écartant dans la courbe, présentant le plus souvent une arthropathie discrète des jarrets, une sacralgie/lombalgie, plus rarement une pathologie du grasset.
Déviations sur l’obstacle : le cheval aura tendance à se décaler sur l’obstacle du côté de la pathologie affectant soit un antérieur, soit un postérieur. Par exemple, un décalage vers la gauche peut être associé à une pathologie de l’antérieur gauche ou du postérieur gauche. On pourra distinguer des décalages progressifs (sur plusieurs foulées) ou au moment de la battue d’appel.
Les décalages progressifs sont plus visibles en courbe, alors que le cheval peut se coucher sur le demi-cercle entamé par le cavalier, et on retrouve souvent des lombalgies et ilio-sacralgies du côté où le cheval se couche (virage à gauche/ postérieur gauche).
Difficultés de rassembler (ajout de foulées dans une ligne). Cette observation est souvent liée aux chevaux présentant des douleurs du squelette axial. Il est important d’observer le cheval de côté et de voir les segments en défaut de mobilité. On notera en priorité la région lombosacrée, la région thoraco-lombaire, puis la jonction cervico-thoracique, en particulier quand le cavalier sent une forte résistance dans la main lors de la demande de rassembler.
Défenses entre les obstacles, mobilité forte de la tête : comme précédemment, ce sont des chevaux qui ont aussi des difficultés pour se rassembler et dont la première défense est de « sortir de la main », c’est-à-dire refuser de garder une bonne stabilité de l’angle tête/ encolure à la demande de connexion de la main du cavalier. Le praticien doit bien évaluer la bouche, l’état de la dentition, toute douleur de la partie haute de l’encolure (ligament nuchal, insertions musculaires sur l’occiput, affections articulaires cervicales hautes et moyennes, etc.).
Anesthésies diagnostiques
Des anesthésies diagnostiques, uniquement de la partie distale du membre ou très ciblées (comme la branche profonde du nerf plantaire latéral), peuvent être envisagées, mais toujours en association avec un bilan d’imagerie strict pour écarter toute lésion importante préexistante pouvant s’aggraver au cours du test. Dans tous les cas, il faut veiller à utiliser des molécules autorisées dans le cadre des règles antidopage propres à la discipline pratiquée.
Ainsi, une nette amélioration de l’allure peut être observée en cas de desmite proximale bilatérale du suspenseur des membres postérieurs après une anesthésie ciblée de l’origine [12]. Chez le cheval d’obstacle, lorsqu’une atteinte ne se manifeste que par des réceptions sur un membre préférentiel, il est possible de restaurer une meilleure symétrie des réceptions avec l’aide des anesthésies distales. Le praticien pourra ainsi diagnostiquer l’origine de la majorité des inconforts lors de la réception, le plus souvent témoin d’une douleur à la partie postérieure du pied.
Autres observations
Comme indiqué plus haut, il est important de voir le cheval monté avec sa selle et son harnachement habituel, afin de déceler d’éventuels problèmes dus à une mauvaise adaptation de l’équipement au cheval. Les capacités techniques et éventuels défauts physiques du cavalier peuvent être observés : problèmes d’équilibre et de rectitude du cavalier, manque de gainage, surpoids. Le cas échéant, il est important de réaliser l’examen monté avec un autre cavalier pour faire la part des choses entre douleur, cavalier et comportement, et ce sujet doit être abordé avec beaucoup de diplomatie. Pendant le travail, un glissement de la selle vers un côté indique souvent un inconfort ou une boiterie postérieure [17-20]. L’utilisation d’un tapis à capteurs de pression a été souvent intéressante pour cibler des zones de compression dorsale anormales, parfois identifiables uniquement lorsque le cheval est au travail monté, et bien sûr en tenant compte de la position ou assiette du cavalier.
Enfin, notamment Dyson et ses collaborateurs, mais aussi d’autres groupes de chercheurs, se sont intéressés aux signes de douleurs manifestés par le cheval monté. Ils ont ainsi développé un éthogramme d’expression faciale et une gradation d’expression de douleur générale (corps et allures) du cheval monté. En cherchant ces signes et en utilisant ce système de gradation, des affections musculosquelettiques consécutives à une douleur peuvent être plus facilement différenciées des problèmes comportementaux du cheval ou induits par le cavalier [17-20]. L’application de ce système de gradation a été validée par un test sur 10 chevaux présentant une boiterie postérieure bilatérale légère, avant et après anesthésie diagnostique. Tous les chevaux ont montré une très nette diminution des grades à la fois d’expression faciale, d’allure et de corps. Les grades d’allures seuls ont été à l’origine de presque la moitié de cette diminution [21].
Conclusion
Les observations réalisées chez le cheval de sport en situation résultent de la volonté de notre clientèle de voir le praticien vétérinaire s’impliquer davantage dans le sport. Cet examen est un moyen de mieux comprendre des irrégularités d’allures et des difficultés dans certains exercices de dressage, et d’évaluer des anomalies de l’abord, du geste et des inconforts possibles à l’obstacle. Souvent, les chevaux concernés subissent un examen locomoteur de base tout à fait normal et, pour mieux s’adapter à cette demande, il nous faut définir et mettre au point les tests significatifs permettant de détecter les écarts par rapport au geste « idéal ».
La demande d’un tel examen est bien présente dans le haut niveau, mais il mérite également d’être proposé pour les chevaux de sport de niveau amateur, tout en tenant compte de l’expérience du cavalier. En effet, même dans cette population, une proportion non négligeable des boiteries ne sont visibles que lors de l’examen monté [1, 2].
La limite de l’examen en situation réside dans le besoin pour le praticien de maîtriser certaines connaissances de la discipline (le geste attendu, la notion de contre-performance, la discrétion des inconforts). Comme lors des tests locomoteurs, l’examen de la normalité du geste sportif ne peut s’acquérir qu’avec l’observation répétée des chevaux en action. À ce jour, les auteurs considèrent que cet examen devient indispensable pour comprendre les contre-performances d’origine aussi bien musculosquelettique que médicale interne des chevaux de sport d’un certain niveau.
Liens d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas être en situation de lien d’intérêt en relation avec cet article.
Références
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Tests de formation continue
L’examen locomoteur peut être réalisé soit en main, soit monté :
Vrai
Faux
Dans quelle phase de saut la jonction lombo-sacrée est-elle la plus sollicitée ?
Lors de la battue d’appel.
Lors du dégagement des postérieurs au planer.
À la réception.
Lors de la première phase du planer.
Lorsque le cheval se décale systématiquement vers la gauche en sautant, quels membres sont les plus probablement atteints d’une affection ?
Antérieur gauche et postérieur gauche.
Antérieur gauche et postérieur droit.
Antérieur droit et postérieur gauche.
Antérieur droit et postérieur droit.
Quelle affection n’entraîne habituellement PAS un manque d’engagement et de propulsion ?
Arthropathie sacro-iliaque.
Desmite proximale bilatérale des suspenseurs des membres postérieurs.
Arthropathie intertarsienne distale et tarsométatarsienne bilatérale.
Arthropathies cervicales basses.
Liste des tableaux
Liste des figures
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Photo 1 Déplacement latéral (appuyer vers la droite) d’un cheval de niveau grand prix. Le membre postérieur controlatéral au déplacement, le postérieur gauche dans ce cas, doit venir sous la masse dans un mouvement d’adduction, qui peut faire apparaître des signes de douleur et rendre le mouvement difficile pour le cheval. (© Monika Gangl) |
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Photo 2 Déplacement latéral (cession à la jambe gauche) d’un cheval de niveau amateur : le mouvement en adduction du membre postérieur gauche est moindre que chez le cheval de haut niveau, néanmoins la contrainte supplémentaire par rapport au mouvement en ligne droite peut faire apparaître des signes de douleur musculosquelettique. (© Pauline Chauray) |
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Photo 3 Lorsque le cavalier demande plus de rassemblement, la charge sur les membres postérieurs est accrue, ce qui se traduit par une descente de boulet plus marquée (flèche bleue), même pour un cheval amateur. Par conséquent, toute pathologie du membre postérieur ou sacro-iliaque peut amener le cheval à refuser de se rassembler. (© Pauline Chauray) |
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Photo 4 Cheval qui se désunit au galop : ceci peut être dû à un manque de dressage ou une faute de cavalier, mais cela peut aussi être un signe d’une douleur musculosquelettique, le cheval essaie de décharger un membre antérieur ou postérieur par cette manœuvre. (© Pauline Chauray) |
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Photo 5 Cheval de niveau grand prix exécutant un piaffer : le haut degré de rassembler nécessaire pour cette figure ajoute une forte charge sur les postérieurs engagés sous la masse. Lors d’atteinte bilatérale des postérieurs, mais aussi en cas d’affection sacro-iliaque ou de dorsalgie, le cheval montre souvent des irrégularités de rythme dans cette figure. (© Monika Gangl) |
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Photo 6 Descente suite au planer et réception : sollicitation de la jonction thoraco-lombaire lors de la descente. À noter la forte charge de l’antérieur sur lequel le cheval se réceptionne. Une douleur dans le membre antérieur distal (pied/boulet/suspenseur) peut se traduire par une réception préférentielle sur l’autre antérieur (à observer de face). (© Philippe Benoît) |
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Photo 7 Phase de planer vue de profil : dégagement des postérieurs, sollicitation de la jonction lombo-sacrée et des articulations sacro-iliaques. (© Philippe Benoît) |
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Photo 8 Planer vu face : rotation du rachis autour d’un axe, une anomalie du geste qui est, le plus souvent, consécutive à une thoraco-lombalgie ou à une propulsion asymétrique d’un postérieur. (© Philippe Benoît) |
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